Tous les ans, les sociétés commerciales doivent obligatoirement déposer leurs comptes au registre de commerce et des sociétés (RCS) afin de garantir la transparence de ceux-ci. Ils sont déposés au greffe du tribunal de commerce par le représentant légal de la société, le greffe les publiera au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC).
La publication des comptes rend accessible des informations de l’entreprise sur les comptes de l’exercice écoulé :
- les comptes annuels : bilan, compte de résultat et annexe
- la proposition d’affectation du résultat et la résolution votée
- le rapport du conseil de surveillance (pour les SA à directoire et conseil de surveillance, et les SCA)
- le cas échéant, le rapport des commissaires aux comptes
- le cas échéant, les comptes consolidés et le rapport des commissaires aux comptes sur ceux-ci.
Toute personne intéressée peut ainsi obtenir – moyennant le prix d’accès – des données sur l’entreprise et les analyser pour une étude de micro-économie ou comparer leur solidité financière.
Mais le libre accès à l’ensemble des « données financières » de l’entreprise peut aussi avoir un effet malveillant puisque le compte de résultat est une photographie à un instant T de la vie de l’entreprise mais ne reflète pas sa capacité à évoluer ou à avoir surmonté une période difficile.
Aussi, la loi a nuancé cet accès libre.
Le dirigeant, lorsqu’il dépose les comptes de l’entreprise peut, si le statut de celle-ci le permet, choisir la confidentialité du compte de résultat.
RAPPEL : La loi dite « Macron II » du 6 août 2015 (article 213 de la loi modifiant l’article L 232-25 du code de commerce) élargit les premières dispositions prises le 30 janvier 2014, relatives à la publication des comptes des micro-entreprises et petites entreprises.
Pour les exercices clos à compter du 31 décembre 2015 et déposés à compter du 6 août 2016, les PME peuvent également demander que leurs comptes de résultat ne soient pas rendus publics sous certaines conditions.
Les entreprises accompagnent alors le dépôt de leur compte d’une déclaration de confidentialité établie conformément à un modèle défini.
Le greffier chargé de la publication, informe les tiers de cette déclaration de confidentialité en indiquant dans l’avis publié au BODACC que « cette société a également déposé une déclaration de confidentialité des comptes annuels en application du premier alinéa de l’article L. 232-25. »
La consultation des comptes reste possible pour les autorités judiciaires et administratives, ainsi que la Banque de France mais le compte de résultat ne sera pas publié.
Toutes les entreprises ne sont pas concernées par la confidentialité du compte de résultat. Les sociétés suivantes en sont exclues (Article L.123-16-2 du code de commerce) :
- les établissements de crédit
- les sociétés de financement
- les entreprises d’assurance et de réassurance
- les entreprises dont l’activité consiste à gérer des titres de participations et de valeurs mobilières.
De plus, un seuil au-delà duquel les entreprises doivent publier le compte de résultat défend également la transparence sur les données financières des entreprises (Article D.123-200 du code de commerce), dont les montants sont, sur le dernier exercice comptable :
- pour les micro-entreprises, le total du bilan est fixé à 350 000 euros, le montant net du chiffre d’affaires à 700 000 euros et le nombre moyen de salariés employés au cours de l’exercice à 10 ;
- pour les petites entreprises, le total du bilan est fixé à 4 000 000 euros, le montant net du chiffre d’affaires à 8 000 000 euros et le nombre moyen de salariés employés au cours de l’exercice à 50.
En 2016, 7 % des entreprises françaises ont déposé leurs comptes, soit 679 473 entreprises sur un total de 9 457 473 (enquête réalisée par infolegale)
La loi Macron permet donc à 93% des sociétés d’opter pour la confidentialité et c’est aux dirigeants d’arbitrer entre donner à penser que l’entreprise a quelque chose à cacher et une communication très ouverte.
1- Choisir que le compte de résultat soit confidentiel
Le compte de résultat retrace l’activité de l’entreprise sur la période écoulée, il met en évidence son chiffre d’affaires et ses charges.
Il réunit les informations clefs de l’entreprise qui permettent d’évaluer sa santé et sa position sur le marché : en comptabilisant les recettes et des dépenses ; en mettant en visibilité des bénéfices ou pertes réalisés, de la trésorerie et de la déclaration fiscale. La publication du compte de résultat rend également publique d’autres informations sensibles comme la liste des charges fixes ou variables, les achats de marchandises ou de matières premières rattachées à l’exploitation, le loyer immobilier, etc.
Choisir de ne pas publier le compte de résultat, c’est se préserver de la concurrence et conserver en interne les axes de stratégie de l’entreprise.
Les aspects négatifs de la publication se démontrent vis-à-vis de 3 acteurs de l’activité de l’entreprise et peuvent se comprendre si l’entreprise démarre ou a connu une baisse d‘activité impactant son chiffre d’affaires :
Les fournisseurs
Les bénéfices élevés de son client pourraient l’inciter à ne plus négocier les prix avec lui, voire à augmenter ses tarifs en se disant qu’il a les moyens. A l’inverse une trésorerie tendue rendrait les fournisseurs plus nerveux et moins enclins à accorder des délais de paiement, ce qui aggraverait la situation de l’entreprise.
Les clients
Avec un fournisseur qui présente un bon compte de résultat, les clients peuvent être tentés de faire pressions pour revoir les prix de vente. Cette situation est particulièrement compromettante lorsque l’entreprise est jeune et est encore en situation de dépendance économique vis-à-vis d’un « gros » client.
A l’inverse, les clients hésiterons à se réengager pour un nouveau marché, ou à verser des acomptes si l’entreprise semble trop fragile.
Les concurrents
Le bilan peut donner nombre d’informations exploitables par la concurrence pour adapter sa stratégie (par exemple, en pratiquant une baisse des prix que le concurrent ne pourra pas suivre étant donné sa structure de bilan ou le montant de ses coûts d’exploitation).
Si les comptes de l’entreprise sont négatifs
Suite à une baisse d’activité, l’exercice comptable de l’entreprise peut être mauvais. Ne pas rendre publics ses comptes permet de ne pas “affoler” les clients et fournisseurs avant de rétablir le niveau d’activité antérieur de l’entreprise.
L’entreprise vient d’être créée et n’a pas encore « stabilisé » sa situation
Dans ce cas, la situation comptable n’est clairement pas révélatrice de son potentiel.
Ce que la loi Macron a changé
Avant la loi Macron, dans la pratique, certaines entreprises, notamment les plus récentes, préféraient payer une amende et ne pas publier leurs comptes que de se plier à cette obligation légale.
La question ne se pose plus, sauf à souhaiter cacher sa situation aux institutions.
Les tiers n’ont plus accès aux comptes de résultat de l’entreprise, seules les administrations fiscales, sociales et judiciaires peuvent y accéder (et, éventuellement le fisc, le RSI et l’URSSAF, les collectivités territoriales).
Les tiers quant à eux se voient refuser l’accès aux comptes par le greffier, qui peut cependant attester le dépôt des comptes.
Quelles sont les entreprises qui optent pour le bilan confidentiel ?
2- Décider de la publication du compte de résultat
Certains pays européens prévoient dans leur législation la publication du compte de résultat, cela ne rend pas les entreprises plus vulnérables.
De plus, le fait de publier ses comptes ne leur est pas forcément défavorable.
La publication envoie un message fort de transparence aux clients, fournisseurs et investisseurs et l’entreprise, peut également bénéficier d’un retour de communication.
« Rassurer » les clients et les fournisseurs sur la santé financière, faciliter de manière générale les financements tels que les crédits ou les levées de fonds, et communiquer.
Rassurer son environnement
Certains clients sont sensibles à la transparence, dans ce cas, la visibilité du compte de résultat apporte un gage de confiance, l’idée est que si l’entreprise publie ses comptes, elle donne l’image qu’elle n’a rien à cacher.
Par ailleurs, le compte de résultat prévisionnel est toujours demandé par un organisme de crédit.
Pour qu’une banque accorde un prêt, elle doit s’assurer que l’entreprise sera bénéficiaire à l’avenir, donc potentiellement capable de rembourser son emprunt.
Hors, si l’entreprise n’a jamais publié ses comptes, elle peut véhiculer une image d’opacité et la banque risque de refuser de lui délivrer le crédit.
Être visible et communiquer
La publication des comptes permet aux grands organismes d’informations, comme l’INSEE par exemple, de récupérer des informations sur les entreprises et de les compter dans leurs bases de données pour les inclure dans leurs analyses.
La non-publication fait disparaître l’entreprise de ces bases.
Hors, certains fichiers servent à établir des grands classements par catégories ; ils servent également de base de prospection aux fournisseurs et futurs clients.
L’entreprise s’expose donc à une moindre visibilité.
De plus, les fournisseurs seront rassurés tout autant que des investisseurs sur les capacités de l’entreprise à honorer ses factures, garantis contre d’éventuels impayés, ils seront plus enclins au paiement à la commande plutôt que par acomptes ou précomptes.
Et même s’il est toujours possible pour eux d’effectuer une enquête de solvabilité, la publication des comptes leur évitera les frais supplémentaires liés à l’enquête.
Enfin, lorsqu’une entreprise rencontre des difficultés, ses dirigeants doivent s’interroger sur le « quand dira-t-on ».
Chaque secteur d’activité est un petit monde, est-il préférable que les partenaires de l’entreprise apprennent par la rumeur les difficultés ou par une voie transparente et officielle qui reste une situation à un instant T.
Ils doivent se demander quelle sera la hauteur des arguments à développer pour convaincre leurs partenaires et décider si la publication n’est pas en définitive la meilleure manière d’éteindre un feu qui indiquerait « qu’il n’y a pas de fumée sans feu… » ?
En effet, le défaut d’information alimente l’imaginaire et aiguise la curiosité, alors qu’une communication via un outil institutionnel rassure et n’incitera pas aux recoupements aléatoires.
Si la question de la publication des comptes ne se pose pas pour certaines entreprises, les dirigeants des autres (la très grande majorité depuis la loi Macron) devront peser les avantages et les inconvénients entre la publication ou la confidentialité.
Sachant que les comptes peuvent être publiés une année et rester confidentiels une autre.
Dans ce cas, elle entre à part entière dans la stratégie de l’entreprise à communiquer sur son chiffre d’affaires.